Rouget de Lisle : sa vie, ses œuvres, la Marseillaise

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décoré, et à ce sujet Béranger lui écrivit une lettre des plus affectueuses qui fait bien comprendre aussi combien peu il attachait de prix aux honneurs, à son point de vue personnel.

« Gloire à vous, lui écrit-il, monsieur le membre de la Légion d'honneur! cela vous était bien dû, en vérité. Mais je dois vous l'avouer, je n'ai pas pensé à vous le faire obtenir lorsque j'avais quelque-crédit. Ge sont là de ces sortes de faveurs dont l’idée ne me vient jamais.

« Et pourquoi seriez-vous importuné de passer avant les autres? Croyez qu'il me suffit bien qu'on pense que j'ai marché sur vos traces. D'ailleurs, mon ami, lorsque la Marseillaise va nous redevenir encore une fois nécessaire à la frontière!, il est tout simple qu’on ait donné à son auteur, brave militaire, distingué comme poëte, la récompense qu’il eût dû recevoir à la création de l’ordre.

« Quant à moi, l’on sait bien quelles sont mes idées relativement aux récompenses publiques, que je ne doute point que ce ne soit la cause qui a dû empêcher en partie que mème fortune ne m’arrivat.… Ainsi, vous voyez, mon ami, qu'il ne faut pas vous affliger de ne m'avoir pas pour collègue dans votre promotion. »

Rouget accepta donc la décoration. Il était à cette époque un peu moins préoccupé de son sort quoiqu'il ne fût plus avec le général Blein. Cet ami de notre poète avait perdu sa femme et sa mère et, à la suite de ces chagrins, Rouget de Lisle, toujours discret, avait pris sa pension dans la famille Voïart, en restant toujours dans les mêmes termes affectueux avec le général. Dans cette famille il avait les mêmes relations qu'autrefois; M°° Tartres est la fille de M.Voïart; sa femme était une femme

4. À cette époque, des bruits de guerre avec la Russie et l'Allemagne commençaient à courir.