Rouget de Lisle : sa vie, ses œuvres, la Marseillaise

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tère, les prescriptions du docteur Carrère, son médecin, et paraissait résigné au sacrifice de sa vie. Le samedi au soir, 25 juin, une crise terrible commença son agonie. Le médecin ne croyait pas même le retrouver en vie le lendemain. Quelques instantsauparavant, il avait recueilli toutes ses facultés, comme s’il eût senti qu’elles allaient pour toujours lui échapper, et avait fait à M”° Voïart les plus touchants adieux, couvrant ses mains de baisers et de larmes, l'appelant son ange gardien, son sauveur, et la remerciant, dans toute l’effusion de son cœur, de lui avoir rendu ses derniers jours si doux, si fortunés! Le lendemain matin, j'étais auprès de lui, mais dans quel état, grand Dieu, je le trouvai! Il ne reconnaissait plus personne; ses yeux étaient fermés, ses traits entièrement décomposés, et une respiration pénible, souvent interrompue, annonçait seule qu’un reste de vie animait ce corps souffrant.

€ A mon arrivée, cependant, et lorsque M“ Voïart lui eut dit mon nom, ses yeux se rouvrirent; il les porta tour à tour sur elle et sur moi; sa bouche essaya de balbutier quelques mots, et je sentis sa main répondre faiblement au serrement de la mienne, mais il retomba bientôt dans un lourd abattement et y resta plongé jusqu’au dernier soupir.

€ À minuit, il avait cessé de souffrir. »

Par un rapprochement bizarre de date, Rouget de Lisle sortait de la vie juste dix ans après être sorti de prison. 26 juin 1826 — 96 juin 1836.

Rouget de Lisle avait 76 ans. Les témoins de la déclaration de son décès furent : le baron François-AngeAlexandre Blein, âgé de 68 ans, maréchal de camp en retraite, commandeur de la Légion d'honneur, et JacquesPhilippe Voïart, rentier, âgé de 78 ans, rue des Vertus.