Séance de rentrée des cours de la Faculté de théologie protestante de Paris, le samedi 7 novembre 1903
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mais comme une puissance de vie, qui agit sans cesse. « Le livre de la création, dit-il, a beau être interrompu par des vides, il en sort une force d’ascension vers le mieux, que ne peut contrebalancer toute l'inertie de lanature morte... Si je veux me donner des ailes, j'ouvre ce livre de l’Af/as des fossiles, je suis des yeux cette immortelle vie qui s’enferme un moment, un siècle, des myriades de siècles en une forme, pour briser cette forme. Je sens en moi cette même vie. Armé de cette puissance, qui est la somme de vie de tous les êtres apparus sur le globe, je défie la mort, je brave le néant. — Lorsque je vois cette lente progression depuis le trilobite jusqu'à l’homme, et tous les degrés vivants de l’universelle vie s'étager l’un sur l’autre, et tous ces yeux ouverts qui cherchent la lumière, tous ces êtres qui rampent, nagent, marchent, volent au-devant de l'Esprit, comment puis-je croire que cette ascension soit arrêtée à moi? Quand je refais en idée ce voyage de gradin en gradin dans le puits de l'Éternel, je ne puis me contenter de ce que je suis, moi aussi : je demande des ailes. C’est là ce que signifie ma foi en l'Éternel vivant (1)! >»
Cette vue de l’ascension de tous les êtres vers le mieux confirmait en lui la croyance en l’immortalité de l'âme. « Comment, se disait-il, cette éhauche de vérité, de sagesse et de raison qu'est l’homme ne serait-elle pas dégrossie par les labeurs et les souffrances de la vie, de manière à se transformer en être céleste? » Tout l'appelle à l’immortalité, la loi du progrès comme le besoin de bonheur et les revendications de la justice. « Par delà la mort et le tombeau, dit encore Quinet, nous appelons un monde meilleur, des vies plus élevées, des formes plus belles, des êtres plus achevés. C’est là une croyance qu'on n’arrachera pas du cœur de l'homme. Il est certain que dans cet instinct d'un monde meilleur, se trouve la loi qui est aujourd'hui révélée par la science de la nature (2). »
Une autre raison, pour lui, de croire à la survivance de l'âme, c'était sa foi inébranlable dans le triomphe final de la juste cause : « Il n’y à point de mort », a-t-il proclamé sur la tombe de son beau-fils Georges Mourouzi, « pour les amis de la justice éternelle! »
(1) La Création, I, p. 89-90. (2) v. La Création, II, p. 324-325.