Souvenirs de Russie 1783-1798 : extraits de journal de Mme Leinhardt
SOUVENIRS DE RUSSIE 13
Tout est sans apprêt; des mouvements doux, accompagnés d’un sourire plein de bonté et d'un regard spirituel, voilà, je crois, une partie des charmes qui font valoir cette grande souveraine. Les chevaliers étaient aussi tous bien brillants. Le comte Czernicheff se distingua dans cette occasion, comme partout, par un air aisé, difficile à conserver en pareille circonstance. Même le prince Potemkin avait l'air d'avoir quelque peine à garder son équilibre. Il est vrai qu'il semblait vouloir prendre cette mine-là et garder l’incognito vis-à-vis de la foule occupée à le considérer. On a beau dire, c'est un grand homme pour les talents politiques; s'il en avait moins, on lui en accorderait peut-être davantage, C’est là le train du monde et le sort de tout mérite extraordinaire auquel la médiocrité ne pouvant atteindre essaie du moins de diminuer la valeur afin de rétablir le niveau. Toutes les dames et les demoiselles d'honneur, en habit de gala, étaient rangées en demi-cercle d'un côté de la table, puis les ministres étrangers, enfin tout ce qui tient à la Cour. Après un moment de présentation, l'Impératrice salua les dames qui, alors, se retirèrent du côté de l'orchestre. On but deux santés: d'abord celle de l'Impératrice, qui but ensuite à celle des chevaliers, qu'elle salua l’un après l'autre. Les deux fois, ils se tenaient debout, mais couverts. Les fanfares et le canon se faisaient entendre. C'était superbe, surtout quand l'Impératrice a rendu la santé. Le grand-duc (Paul Petrowich) n'était point du dîner à cause de son deuil (la mort récente de sa belle-sœur, la princesse d'Holstein). »
Parmi les fêtes de Cour, il faut signaler les mariages des demoiselles d'honneur de l’Impératrice. L'usage était de leur donner douze mille roubles de dot et trente archines de glacé en argent pour leur robe de noce, ce qui faisait trente-quatre de nos aunes. « Avec cela, raconte Ml'° L., l'Impératrice les pare elle-même de ses propres brillants et les accompagne à l'autel. Après quoi, il ya bal et souper à la Cour. Le soir, la gouvernante des dames d’honneur accompagne la mariée pour reprendre les brillants prêtés, La pension des demoiselles d'honneur est de mille roubles Avec cela, c'est un état. Aussi ces places, qui s'accordent par faveur, sont très désirées. »
Une autre cérémonie de cour, dont Mie L. fut témoin, eut lieu le 10 octobre 1787. Un jeune Czernicheff, neveu du comte, était créé