Souvenirs de Russie 1783-1798 : extraits de journal de Mme Leinhardt

12 JSUCART

vieille Cour, puisqu'elle a vu celle de Louis XIV, qui, lui-même, l'a portée comme enfant dans ses bras. Comme il y avait deux dames à présenter, elle voulut encore remplir à leur égard son office de grande-maîtresse ; elle fit aussi un tour de menuet avec chacun des petits grands-ducs pour pouvoir dire qu'elle avait encore dansé avec eux. Ensuite, l'Impératrice, voulant se mettre au jeu et trouvant que sa table était trop loin de la comtesse, la fit porter auprès d'elle afin qu'elle pût s'amuser à la voir Jouer, Voila comment se passa celte rentrée à la Cour, »

Le 8 décembre 1783, avait lieu la fête de l'ordre de Saint-André et Mie L. décrit la richesse inouïe du costume du comte Czernicheff qui, avec toute sa suite, se rend à la Cour dans de superbes carrosses dorés. Deux ans plus tard, le 11 décembre 1785, elle peut satisfaire pleinement sa curiosité en assistant elle-même à la fête. « Hier. matin, dit-elle, j eus enfin la satisfaction de voir l’Impératrice dineravec les chevaliers de l'ordre de Saint André, et, malgré deux heures d'attente, jointes à la chaleur insupportable, je ne regrettai point mes peines, car c'est vraiment un des plus beaux spectacles qu'il soit possible de voir. La table est placée à peu de distance de l'entrée de la salle ; l'orchestre est vis-à-vis, en face de l'Impératrice qui est assise au milieu de la table. Les chevaliers, avec l'Impératrice, n'étaient qu'au nombre de douze. On apporta tous les plats couverts, et une Jeune personne qui était placée à côté de moi en compta jusqu'à cinquante-deux. Quand l'Impératrice est entrée, l'orchestre à conmencé. Quatre chambellans portaient la queue de son manteau qui est comme celui des chevaliers, hormis le collier de l’ordre qu'elle a tout en brillants. Comme elle avait la couronne, elle était coiffée en cheveux avec deux petites plumes rouge et blanche, la tresse bien serrée comme à l'ordinaire, mais quatre boucles bien grandes qui lui tombaient jusque sur les épaules. Une autre femme n'aurait pas été bien de cette manière, mais l'Impératrice est surprenante en tout ; chaque geste qu'elle fait a cette grâce noble qui distingue un être supérieur. Les choses les plus simples, comme de rompre son pain, de rendre son assiette, lui siéent bien.