Souvenirs de Russie 1783-1798 : extraits de journal de Mme Leinhardt
SOUVENIRS DE RUSSIE by PImpératrice se portait bien. Après avoir fait son travail ordinaire avec ses ministres, elle envoya son valet de chambre au prince Zoubolf et entra dans sa garde-robe. Celui-ci revint pour rendre compte de son message et, lrouvant que sa maitresse n'était pas encore sortie, attendit à la porte. Au bout de quelque temps, ne la voyant point paraître, il commença à s'inquiéter et entra; il la trouva sans connaissance. C'était sans doute un coup d'apoplexie, car tous les secours de l’art ne purent lui rendre le sentiment. Elle resta encore 36 heures dans un état intermédiaire entre la vie et la mort; on ne sentait plus le pouls, mais le cœur battait encore. Tout était dans la consternation. Pour moi, il me semblait que la terre allait manquer sous mes pieds, tant cette grandeur réduite au néant en une minute terrassait mon âme, L’héritier du trône était à Gatchina; il arriva à 8 heures du soir. Avant ce temps, tout le monde entrait dans la chambre de l'Impératrice, qu'on avait couchée au milieu sur un matelas. Elle avait été saignée aux bras et aux pieds et couverte de vésicatoires. Tout le jeudi se passa dans cet état d'anxiété. Enfin, à 9 heures et demie du soir, cette grande âme se dégagea entièrement de ses liens. Les portes de la chambre furent alors ouvertes et l’on proclama que Catherine IT venait d’expirer et que son fils Paul Petrowitch s'était emparé du trône (c'est la signification du terme russe). Tout le service était présent. Le grand chambellan demanda aux cavaliers de la part de l'empereur s’ils voulaient rester à son service, déclarant qu'il n'aurait aucune rancune contre ceux qui désireraient se retirer. Chacun ayant témoigné son contentement, on se mit en procession pour se rendre à la chapelle où, après avoir lu le manifeste, toute la Cour, l'impératrice Marie la première, prêtèrent serment de fidélité au nouveau souverain. Son premier acte fut de nommer le grand-duc Alexandre héritier du trône et colonel du régiment Semanoffski, et le grand-duc Constantin, colonel du régiment Ismaïloffski. L’empereur lui-même garda le commandement du régiment de Preobrajinski. Celui des gardes à cheval restera, dit-on, pour le grand-duc Nicolas, le cadet des enfants. Les cavaliers et les dames sont à présent très occupés, ayant à faire double service auprès des souverains morts et vivants. Tout ici va prendre une face bien lugubre, car toute la Cour, ainsi que les cinq premières classes, seront vêtues en flanelle qui, au lieu de 60 copecks, coûte maintenant deux roubles et demi. Les demoiselles