Souvenirs de Russie 1783-1798 : extraits de journal de Mme Leinhardt
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aussi doux que débonnaire, car l'Impératrice était aussi lente à punir que facile à pardonner; chacun faisait à peu près ce qu'il voulait et tout allait comme il plaisait à Dieu. Aujourd’hui, il n y a plus d'acception de personne. L'empereur ne pense pas que la noblesse puisse dispenser un homme de remplir son devoir; aussi tout le monde est si sage et si modéré en publie que c’est un plaisir d’en être témoin! »
L'impératrice Catherine se disposait. paraît-il, à combattre la République française lorsqu'elle mourut. Paul Ier témoigna beaucoup de bienveillance aux émigrés. Il reçut très bien des hommes comme le vieux maréchal de Broglie et le prince de Condé. Blessé de l'occupation de Malte par Bonaparte, il se joignit à la seconde coalition (1799-1801). Mais ensuite, gagné par les flatteries du premier Consul, il expulsa les émigrés français, et, après la défaite de Korsakolf à Zurich et la retraite de Souvaroff, il abandonna la coalition. Comme on le sait, son règne ne devait pas être de longue durée.
VII
RETOUR DE MADEMOISELLE LIENHARDT EN SUISSE
Mie Lienhardt avait achevé sa tâche auprès de la jeune comtesse Anna Czernichelf ; elle pouvait songer à rentrer dans sa patrie. À la date du 22 avril 1798, voici ce qu'elle écrivait dans son Jour-
nal : « L'empereur (Paul I°'), indigné de la révolution qui s'est faite en Suisse, vient de donner une oukase par laquelle tout Suisse établi dans ses États doit prêter le même serment que les Français ont dû prêter il y a quelques années, c’est-à-dire jurer sur l'Évangile que, fidèles à l’ancien gouvernement, ils abhorrent et détestent le nouveau et promettent de renoncer à toute correspondance avec leur pays jusqu'à ce que l’ancien ordre de choses soit rétabli. Ceux qui refusent de prêter ce serment seront obligés de quitter la Russie dans un temps donné pour arranger leurs affaires. Comme je comptais partir sans cela, cet ordre ne me dérangera point; au contraire, il hâtera, suivant toute apparence, les arrangements que mon élève prendra à mon égard.
Cependant un mois s'écoule, et, à la date du 18 mai, M'e L. doit écrire : « Personne n'est encore venu chez moi pour me faire prêter