Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

CAMPAGNE DE 1807 : EYLAU, FRIEDLAND 99

Il était nuit; le maréchal se coucha à terre et s’endormit, tandis que toute l’armée était remplie d'inquiétude, préoccupée du danger qui la menaçait en présence de 50000 hommes qui allaient inévitablement nous foudroyer. Nôus admirions cette forte organisation que rien ne pouvait ébranler (1).

Le maréchal s’éveilla dès l’aube : « À cheval, dit-il, il fera chaud aujourd’hui. » Nous partimes : Ney était suivi du général Seroux, de son chef d'état-major, le général Dutaillis, de l’adjudantcommandant Mallerot, sous-chef, et de ses aides de camp et officiers, formant un groupe d’une vingtaine de chevaux. Se dirigeant vers l'extrême gauche, il s’avança vers la première vedette ennemie, qui tira un coup de fusil.

Au même instant, un boulet de canon part sans nous atteindre. « Levavasseur, dit le maréchal, comptez les pièces. » Et nous parcourûmes ainsi toute la ligne, essuyant le feu des vedettes et celui des pièces. Un boulet traversa notre groupe et coupa la queue du cheval du général Seroux; plus loin, un autre boulet atteignit le général Dutaillis au bras droit et le lui emporta. Un chirurgien en-

(4) On sait que Napoléon lui-même dormait, non seulement la veille d’une bataille, mais pendant la bataille même : il dormit dans la plaine de Wagram et à la journée de Bautzen, sous le feu même de l'ennemi, voyant dans ce sommeil « le précieux avantage d’attendre avec calme les rapports et la concordance de toutes ses divisions, » — Voir Mémorial de Sainte-Hélène, t. II. — (Note de l'éditeur.)