Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

104 SOUVENIRS D'OCTAVE LEVAVASSEUR

général Gardanne auprès du maréchal Ney pour connaître les dispositions de l'ennemi. Ney monta à cheval et fit avec lui une ronde près de toutes les vedettes, qui nous lancèrent des coups de fusil. C’est en leur présence et au milieu des balles, qui sifflaient à nos oreilles, qu’il mit pied à terre et qu'il expliqua au général Gardanne comment il entendait que les retranchements fussent tournés. Mais nos colonnes marchèrent et l’'ennemise retira.

Tous les jours, vers les 4 heures de l'après-midi, on le retrouve, on le charge. Dans un de ces mouvements, Brunel, gendre du général Seroux et aide de camp comme moi, me dit en me montrant sa bouteille de rhum : « Allons! Levavasseur, les bons enfants ne mourront pas! En avant! » L’un et l’autre, piquant des deux, nous nous lançons dans une charge de cavalerie, mais nous sommes bientôt ramenés au galop. Je courais dans la plaine auprès de Brunel. Mon cheval saute un fossé, le sien s’arrête et le voilà percé de mille coups de lance! Après une séparation de moins de dix minutes, je rejoins le général : « Où est Brunel? » me demande-t-il. Je ne dis rien : tous mes camarades me regardent et comprennent que Brunel est perdu; le général insiste encore; mon silence lui répond. « Levavasseur, reprend Seroux, allez le voir, et tâchez de me rapporter l'anneau de ma fille. » J’exécutai l'ordre, mais je retrouvai mon infortuné camarade entièrement dépouillé : il n'avait plus son anneau!