Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

CAMPAGNE DE 1807 : EYLAU, FRIEDLAND 109

commandée par Benningsen, lequel était en face de notre centre et de notre gauche.

Nous prîmes ainsi position : Ney entre le ravin et l’Alle, en présence de la Garde russe, et l'Empereur dans la plaine, vis-à-vis de Benningsen. Nos troupes brûlaient d'entrer à Friedland. En ligne et à portée de fusil de l’ennemi, on les retint, couchées sur leurs sacs, jusqu’à 6 heures du soir. L’Empereur attendait-il l’arrivée de nouvelles forces pour livrer bataille, ou bien était-ce par crainte d’une défaite et pour que l’ennemi ne püût tirer de sa victoire tous les avantages qu’une bataille livrée le matin offre aux vainqueurs? Je ne sais.

Enfin arriva l’ordre d'attaquer. Tous les soldats se levèrent en criant : « Vive l'Empereur! En avant! À Friedland! En avant! »

Notre artillerie commença son feu, et les cent pièces de canon ennemies, vomissant les obus et la mitraille, firent sauter nos caissons; la fumée nous couvrait et masquait à nos yeux les masses déployées. Le maréchal Ney ordonna la marche en avant en bataille, l’arme au bras : les boîtes à mitraille éclataient sur nos têtes et faisaient un cliquetis affreux dans les fusils élevés; les officiers excitaient les soldats et les poussaient en criant : « En avant! en avant! » Dans cette marche et dans cette fumée, la 3° division, commandée par le général Bisson, obliqua trop à droite et laissa ainsi un intervalle dans lequel la cavalerie du grandduc Constantin pénétra en la sabrant et la met-