Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

112 SOUVENIRS D'OCTAVE LEVAVASSEUR

Nous traversämes le beau pays de la Lithuanie.

A Gumbinnen, le maréchal Ney vit passer des chasseurs du 40°, qui emmenaient avec eux des chevaux magnifiques, parmi lesquels s’en trouvait un de couleur isabelle qui fixa ses regards. Ces chevaux avaient été pris par Colbert dans un des haras du roi de Prusse. « Levavasseur, me dit le maréchal, allez dire à Colbert de me céder ce cheval; je lui en donnerai en échange un autre de mes écuries. » Colbert s’empressa de se rendre au désir du maréchal, et l'échange fut fait. Le lendemain, le maréchal, au sortir de Gumbinnen, voulut monter ce bel animal. Nous longions une colonne de cavalerie; le cheval du roi de Prusse ne marchaït que par bonds et par sauts; le maréchal voulut le maîtriser en le mettant au galop : en une heure, nous fîmes l'étape entière. Au bout de cette course, le maréchal me dit : « Levavasseur, tenez, prenez ce cheval, je vous le donne. »

Enfin, nous apprenons qu'une entrevue doit avoir lieu entre les deux empereurs à Tilsit (1). Nous étions établis dans une des propriétés du prince Sapicha, dont le château est un immense bâtiment n'ayant qu’un rez-de-chaussée, couvert en chaume et construit avec des sapins en grume superposés. Cet extérieur agreste cachait un intérieur des plus riches, où nous trouvâmes toutes

(1) L’entrevue de Tilsit eut lieu le 25 juin et la paix fut signée’ le 8 juillet. Napoléon partit pour Paris le lendemain et le maréchal Ney le 18. (Note de l'éditeur.)