Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

122 SOUVENIRS D’OCTAVE LEVAVASSEUR

chant à notre frontière, a dû prendre quelque chose de nos habitudes, et réciproquement. Les mœurs et les manières des peuples gagnent de proche en proche de Paris jusqu’à Varsovie: seulement elles se modifient par le climat, par la religion, par les lois.

Quant à l'Espagne, rien n’est semblable à ce qui se remarque ailleurs. A quatre lieues de Bayonne, On se croirait à mille lieues de la France. Peu de plaines, mais un territoire onduleux et toujours couronné à l'horizon par de hautes montagnes: des ruisseaux aux nombreuses cascades, mais point d'usines pour les utiliser; au sommet, des rochers, des maisons ou plutôt des nids d’aigles, construits du temps des Maures, mais, sur les flancs des coteaux, plus de ces villages ni de ces habitations éparses qui donnent au paysage l’animation et la vie; une terre toujours prête à produire ,; mais jamais cultivée; les moutons et les taureaux sauvages en foulent seuls la bruyère éternelle; la puissance de la nature partout, la force de l’homme nulle part, excepté aux environs des villes, car la main nonchalante d’un Espagnol ne s'étend pas plus loin, excepté sur quelques routes, ouvrages du Prince de la Paix, véritables allées de jardins bordées par des genêts toujours en fleurs. Dans ces bourgs, espacés à quatre ou cinq lieues de distance, une population, rare et vêtue uniformément d’habits tissés avec la laine brute des troupeaux, s’assemblant régulièrement chaque Jour au