Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

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quant une direction avec la main. Je répétai cette demande plusieurs fois à d’autres paysans qui me répondirent par les mêmes paroles et les mêmes signes. Enfin je m'échappai de ce camp; ce n’était rien moins que celui de La Romana qui, ne voulant point faire retraite sur la Galice, s’était séparé du corps anglais. Qu’allais-je devenir, tout à fait égaré et ne pouvant risquer une question sans me faire connaître? Je prends au hasard le premier sentier tortueux qui se présente. Mon cheval s'arrête tout à coup, immobile, en regardant une masse informe, couverte de neige. Je descends : quelle est mon horreur et ma pitié en découvrant, sous une couche épaisse, un hussard français enveloppé dans sa couverte et placé sous sa selle. J'essaie de relever ce malheureux, mais il ne peut ni se soutenir ni me parler. Me trouvant hors d'état de le secourir, je ne puis que le replacer sous l'abri qu’il avait choisi. Ensuite, je reprends ma marche.

A peu de distance, je trouve un cheval embarrassé de sa bride : c’est celui du pauvre hussard. Plus loin je rencontre une maison; je m'arrête, laisse mon cheval à la porte, et, décidé à tout, j'entre. J'entends des cris et le choc des bouteilles; j'ouvre la porte d’une chambre; j’aperçois dix ou douze dragons ou hussards espagnols attablés et buvant; parmi eux, se trouvaient quelques uniformes français. Me croyant suivi d’une nombreuse troupe, tous ces soldats se levèrent effrayés; je