Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

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quelque confiance, car elle me dit que le général russe Langeron était descendu la veille chez elle; que, de concert avec son mari, il avait proclamé Louis XVIII roi de France, que Napoléon allait sans doute découvrir ce fait et qu’elle appréhendait les plus grands dangers pour M. de MontSaint-Jean, qui était caché dans sa maison. Cette nouvelle me causa la plus grande surprise : homme de la Révolution, j'avais oublié les Bourbons, et leur nom, frappant en quelque sorte pour la première fois mon oreille, avait pour moi une singularité sans exemple. Mme de Mont-Saint-Jean poussait des sanglots; elle implora mes conseils et se mit sous ma sauvegarde. Elle me parla d’une proclamation qui avait paru : je fis tant d'instance pour la connaître qu’elle me la remit. Il est inutile de dire que je promis de ne point divulguer le secret de la comtesse, ni de l’asile de son mari. Cependant, comme je ne pouvais me dispenser de porter un fait aussi grave que celui de la proclamation à la connaissance du maréchal, je courus chez lui et lui montrai cet écrit : il était daté d'Hartwell et signé Louis (1).

(1) Louis XVUII aux Français : — Le moment estenfin arrivé où la divine Providence semble prête à briser l'instrument de sa colère! L’usurpateur du trône de saint Louis, le dévastateur de l'Europe éprouve, à son tour, des revers. Ne feront-ils qu'aggraver les maux de la France, et n'osera-t-elle renverser un pouvoir odieux que ne protègent plus les prestiges de la victoire? Quelles préventions ou quelles craintes pourraient aujourd’'hui l'empêcher de se jeter dans les bras de son roi et le reconnaître dans le rétablissement de sa légitime autorité, le