Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

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j'avance est vrai, veuillez le croire : j'ajouterai même que Votre Majesté n’a pas le prestige qui l'environnait et qu’elle a perdu de l'amour des Français. »

La discussion s’anima entre Bertrand et moi, à tel point que l'Empereur, me regardant fixement : « C’est assez, dit-il, qui êtes-vous? » Ce ton sévère, qui contrastait avec l’appui que je croyais avoir obtenu de l'Empereur, me fit tout à coup rentrer en moi-même; il fallait éviter de prononcer mon nom : « Sire, dis-je à Napoléon, je sers Votre Majesté par zèle, par dévouement... Après avoir été six ans aide de camp du maréchal Ney, j'ai quitté le service en donnant ma démission; mais, voyant l'ennemi marcher vers la France, j'ai cru devoir reprendre mon vieil uniforme et rejoindre mon maréchal. » — « Je ne demande pas cela, reprit lEmpereur, comment vous appelez-vous? » — « Sire, sorti de l'artillerie légère, j'ai été nommé à Guttstadt aide de camp... » — « Votre nom? » — « Octave Levavasseur. » Et, saluant de la main, je me retirai.

Ma fatigue était extrême : avant de retourner auprès du maréchal, je crus devoir me reposer pendant quelques heures. IL paraît que, pendant cet intervalle, le prince de Neuchâtel avait envoyé au maréchal un rapport sur cette scène, car, à mon retour, vers 6 heures du matin, elle était la nouvelle de tout l'état-major. Le maréchal, lorsque je l’abordai, me reçut vertement en me disant: