Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

1814 — CAMPAGNE DE FRANCE 199

soir à Brienne et qu'il était inutile de revenir sur leurs pas; que cette ville allait être occupée et qu’elle serait à notre disposition. Je galopais, criant « À Brienne! à Brienne! » etme présentant à tous les généraux en leur disant que l'Empereur coucherait à Brienne et qu’il fallait y entrer; mais je n'étais pas écouté. »

Je répétai à Napoléon ce que j'avais déjà dit à Berthier et au maréchal Ney, et, mettant à mon langage toute l’animation possible : « Sire, ajoutaije, on cache la vérité à Votre Majesté. Je crois devoir la lui dire : la France et l’armée demandent la paix; on veut la paix, et, si Votre Majesté n’a pas d’autres troupes que ces nouvelles recrues à opposer aux vieux soldats des Alliés, nous ne pouvons espérer aucune victoire. » L'Empereur semblait m’écouter avec calme et intérêt et même, par son attitude, il paraissait m’engager à continuer. Fort de tout ce que j'avais vu et entendu, tant à Paris que dans les campagnes, fort surtout de lapprobation des deux maréchaux Ney et Berthier, je me hasardaï à parler des mauvaises dispositions manifestées de toutes parts et de l’altération de l'esprit public : « Sire, dis-je à Napoléon, les Français attendent les Alliés avec plaisir. Pour eux, recevoir les Alliés est un mal moindre que la continuation de la guerre. » À ces mots, Bertrand se leva avec vivacité : « Qu’avez-vous dit, monsieur? Vous trompez l'Empereur. Rien de ce que vous venez de dire n’est exact. » — « Sire, repris-je, ce que