Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

1815 — LES CENT JOURS. WATERLOO 279

l'on croit me faire battre contre les troupes royales, on se trompe : je n'obéirai pas et je quitterai plutôt l’armée. »

Le lendemain, 15 mars, le chef d'état-major La Génetière donna ordre, de la part du maréchal, aux généraux Bourmont et Lecourbe de marcher sur Dôle. Cependant, soit que le maréchal se méfiât de la conduite future de Bourmont, soit qu’il ignorât si La Genetière avait véritablement expédié ses ordres, il m’envoya dès l’aube chez Bourmont lui porter verbalement celui de marcher sur Dôle. Je trouvai Bourmont couché; il me reçut avec assez d’indifférence. Les généraux prirent les directions indiquées, chacun avec sa division.

Au moment de quitter l'hôtel, le maréchal me dit : « Levavasseur, montez avec moi. » Je m’assis à côté de lui; quelques mots furent échangés, entre nous, toujours dans le même cercle d'idées que la veille. Au premier relais, nous vimes autour de la voiture la population assemblée, le maire en tête, criant « Vive l'Empereur! » et disant : « Dites bien que nous sommes tous à lui. Vive le maréchal Ney! Vive l'Empereur! »

Nous partîmes, et le maréchal de dire : « Eh bien! n’est-ce pas là le sentiment national? n’estce pas là le vœu de la patrie? » — « Oui, monsieur le maréchal, répondis-je, je le veux bien, mais vous n’en serez pas moins blâmé. » Puis, c'était un nouveau silence.