Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

286 SOUVENIRS D’OCTAVE LEVAVASSEUR

retour : « Monsieur le maréchal, vous avez surpassé nos espérances. » Je compris toute la portée de ce mot : je revins à Breteuil.

Le maréchal Ney entrevit, dès ce moment, les conséquences graves de sa situation. Napoléon ayant repris sur lui tout son ascendant, il se trouvait, dès lors, dans une position difficile. Cependant, l'Empereur connaissait le pouvoir considérable de Ney sur le soldat français et la force qu'il donnait à l’armée; aussi, se garda-t-il bien de le disgracier publiquement. Il voulut même, dès le commencement, le montrer comme un drapeau à toute l’armée réunie sur les frontières de la Belgique. Il lui donna donc la mission de visiter la frontière jusqu'à Landau et d’y passer la revue des troupes et des places fortes. Cette tournée commença le 26 mars : il y eut de grandes revues à Lille. A son retour auprès de l'Empereur, le maréchal vit, à n’en plus douter qu'il lui conservait rancune : froidement reçu, il se retira dans sa terre des Coudreaux, d’où il sortit pour paraître au Champ-de-Mai. Là, Napoléon lui dit : « Je vous croyais émigré. » — « J'aurais dû émigrer plus tôt, répondit Ney, maintenant il est trop tard. »

Cependant, on vit bientôt la profondeur du gouffre dans lequel on s’était précipité. Napoléon, loin d’être soutenu par les puissances, les avait