Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

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et tout son état-major passent près de nous. Chacun veut l’imiter; ce mouvement introduit le plus grand désordre dans les rangs. Le général Moissel traverse la route près de moi (1) : « Que faire?» lui dis-je. — « Ce que vous pourrez, » répondil. Je descends de cheval dans cette cohue et, faisant retourner à bras la première pièce, j'ordonne qu’on charge à mitraille; mais impossible d'étendre l’écouvillon tant la presse des chevaux est grande. Cependant, à quatre pas de moi, on sabre les hussards qui s’acculent sur ma pièce. On parvient à y introduire un boulet et on enfonce avec peine de la mitraille par-dessus. Le cliquetis du sabre est presque sur nos canons. Le canonnier Collot étend le bras, la mèche allumée, pour mettre le feu; on crie : « Gare! » Nos hussards s’écartent de part et d'autre dans le bois et il se fait une petite embrasure humaine en avant de la bouche à feu. Un colonel russe, couvert d’or et de broderies, fond sur mon canonnier pour lui couper le bras; le coup part, la pièce se brise dans les tourillons et le colonel tombe sur elle. L'explosion renverse après lui plus de quarante chevaux montés et blessés et une si grande quantité d'hommes, tant Russes qu'Autrichiens et Français, que ce monceau forme sur la route un obstacle infranchissable. Après ce coup de canon, il s'établit un grand silence; la fusillade cesse tout à coup; l'ennemi,

(1) Général de brigade Moïssel, commandant l'artillerie de la Réserve de cavalerie. (Note de l'éditeur.)