Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

CAMPAGNE DE 1805 : AUSTERLITZ 45

cependant une chose certaine », ajouta Murat.

Pendant ce colloque, un officier hongrois était arrivé dans mes pièces pour causer avec moi et voir ma batterie. Il était fort bien monté; son cheval excitait l’envie des canonniers, qui m'engageaient par des signes à le faire prisonnier. L’officier s’aperçut de ces intentions : « Oh! non, leur dit-il, ce ne serait pas loyal; ce serait indigne de vous. Dans une heure ce sera différent ; vous pourrez venir le prendre, il vous appartiendra. » Je le rassurai; il accepta un verre de kirsch et partit.

Cependant le prince autrichien montrait toujours du mécontentement et du dépit en s’expliquant avec Murat. Nos troupes reçurent l’ordre d'avancer, de telle sorte que le général ennemi, se trouvant de notre côté, ne put faire aucun commandement aux siens. Notre armée passa ainsi tout entière sur le pont. Lorsque mon tour vint de passer avec ma batterie, je franchis les lignes autrichiennes qui nous regardaient défiler; un colonel de cavalerie autrichienne s’écria : « Je ne comprends rien à tout ce qui se passe; je vais auprès de l'Empereur, moi. » Il fit marcher son régiment en avant de ma batterie, et, le soir même, dans un village dont le nom m'est échappé, ce régiment prit ses logements avec les nôtres. Dès le lendemain, au point du jour, il avait disparu entièrement.

Le quiproquo, dont je fus témoin én cette occasion, est un de ces exemples fréquents à l’armée