Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

48 SOUVENIRS D'OCTAVE LEVAVASSEUR

j'ordonne à la première pièce de me suivre sans caisson.

Je me lance au galop dans la rue en feu. Après mille obstacles où mon coffret risquait de sauter, je parviens hors de la ville. Je continue à courir deux cents pas en avant; j’aperçois l'ennemi sur la droite; je veux me tourner pour me mettre en batterie sur la route : une décharge de l'artillerie autrichienne renverse mes canonniers, en met six hors de combat et brise ma pièce que je suis forcé d'abandonner.

Je reviens avec les blessés et les chevaux de mon équipage à l'entrée de la ville, où se trouvaient des bivouacs de blessés russes, autrichiens et français.

Nous restämes ensemble jusqu'au lendemain matin. À chaque instant arrivaient des grenadiers horriblement mutilés. Dans ce pêle-mêle effroyable, les régiments français, se prenant respectivement pour des ennemis, se battirent les uns contre les autres et causèrent ainsi de grandes pertes à notre armée. Triste argument contre les engagements qui ont lieu pendant l'obscurité de la nuit!

Je rejoignis ma batterie après ces lugubres scènes, et, l’ayant recomplétée, je m’établis dans un village. Je traînais à ma suite une voiture chargée d’avoine et conduite par des paysans.

Le général Margaron (1) entra dans mon vil-

(4) Général de brigade Margaron, commandant la division de cavalerie du IVe corps (maréchal Soult). (Note de l'éditeur.)