Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

CAMPAGNE DE 1805 : AUSTERLITZ 47

droite et à gauche; nous étions séparés de l’ennerni par un petit vallon. En face de ma batterie, sur les flancs de la colline au haut de laquelle étaient les Autrichiens et les Russes, se trouvait une porte de cave. Mes canonniers, flairant le vin, firent signe avec des bidons aux vedettes ennemies, puis s’approchèrent peu à peu de la porte. Arrivés auprès d'elle, ils l’enfoncèrent et en sortirent immédiate-

ment avec des seaux remplis de vin. Les soldats

autrichiens et russes, voyant les nôtres pourvus, voulurent prendre part au butin et descendirent se mêler à eux. On vit ainsi Russes, Autrichiens et Français suspendre les hostilités pour boire à la même coupe.

L'Empereur arriva le lendemain 16 devant Hollabrünn vers le soir (1). À six heures, on attaqua l'ennemi : la ville était en feu, mais je ne pus, avec mon artillerie, suivre la cavalerie qui passait dans des défilés fort étroits et traversait les ruisseaux.

Je restai longtemps à la porte d’'Hollabrunn, écoutant les coups de feu et pestant contre les obstacles qui m’empêchaient de prendre part au combat; il était nuit, on se battait encore. Enfin un hussard, après avoir traversé la ville enflammée, paraît devant moi: « Peut-on passer? » lui dis-je. — « Oui, répond-il, je viens de l’autre côté. » Alors

(4) Le 15, Murat avait conclu avec Kutuzow un armistice sous la réserve de l'approbation de l'Empereur. Napoléon le désavoua aussitôt en donnant l’ordre d'attaquer l'ennemi, mais

il n'eut plus devant lui que l'arrière-garde russe et autrichienne sous Bagration. (Note de l'éditeur.)