Trois amies de Chateaubriand

MADAME RÉCAMIER 447

Et elle ajoute : « Je ne connais que M. de Chateaubriand et vous qui puissiez m’entendre sur ce sujet. Il sera bien affligé.…. »

Chateaubriand fut, en effet, bien affligé, Il eut raison de l'être.

Quand il écrit que tous ses plaisirs ultérieurs furent attristés par ce souvenir, j'y crois, en tenant compte aussi de sa légèreté. Je me figure que la folie de Blanca dut lui être un avertissement rude et imprévu. L’amour occupa toute sa vie et ne lui fit pas de mal. Cest que l'amour lui était un jeu, un délicieux amusement, qui le divertissait de son ennui et qui ne l’empêchait pas de vivre ailleurs son existence d'activité, d’orgueil, de remuement, Or, il apprenait soudain, par le cruel exemple de la Mouche, qu’on ne badine pas avec l'amour, — avec son amour à lui, principalement, tout mêlé de chimère, des malins prestiges d’une imagination prodigieuse et tout imprégné de ce condiment redoutable, la rêverie de la mort. S'il descendit en luimême et s’il médita sur cette aventure, peut-être a-t-il senti que deux êtres en qui sa poésie s’était réalisée, exaltée, — Lucile de Chateaubriand et puis Nathalie de Noailles, —ces deux jeunes femmes étaient devenues folles. S’effraya-t-il de cette poétique démence, qui était en germe dans son périlleux génie?

% #° x Le 1% juin 1814, Mme Récamier fit sa rentrée à Paris, quatre semaines après le Roi. Si l’on a dit