Trois amies de Chateaubriand
MADAME RÉCAMIER 157 + *+* *%
J’ai quelque serupule à entrer dans ce récit. Mes contemporains fouillent aisément les vieux tiroirs où sont ensevelis les billets d’amour du temps passé... Plutôt, ne devrait-on pas laisser dormir cela, comme une cendre qui fut chaude et qui s’est refroidie?.… Billets d'amour du temps passé, qui ont l'odeur des fleurs fanées, l'odeur du bois de rose ou de cyprès qui les enclôt; pauvres billets d'amour qu’on déplie avec le grand soin de ne pas déchirer leur papier sec, cassant comme les feuilles mortes. Est-ce que les lignes qu'y raniment des yeux nouveaux et imprévus n’y brûlent pas comme ces franges de feu qui, dans les cheminées presque éteintes, parcourent encore les bûches calcinées?.… J'ai pitié de ces lettres d'amour.
Maïs enfin, les amours royales n’ont pas l’intime secret des autres tendresses. Et, en outre, je n’ai pas l'extrême vanité de me refuser à la perversité de mon époque. LE
Donc, je reprends cette histoire d'amour. Et il faut que je la distingue d’une pure et simple histoire d'amitié. A lire les Mémoires d’outre-tombe, on ne sait pas trop. Louons Chateaubriand, s’il n’a pas tout dit : la courtoisie l’engageait à garder cette réserve. À peine a-t-il l'air un peu de laisser voir qu'il ne dit pas tout et de prendre quelque plaisir à cette cachotterie démonstrative; mais ce n’est pas si évi-
dent qu’on veuille le lui reprocher. Plutôt, il raconte 1