Trois amies de Chateaubriand

180 TROIS AMIES DE CHATEAUBRIAND

Dieppe de son amour nouveau, à voir les minisires et le roi, à trouver l’alibi de son prochain départ, et encore à panser la blessure que son infidélité faisait à Juliette qu'il n’aimait plus guère. Quelle journée! Évidemment, il aurait mieux valu que Chateaubriand ne se mît pas dans cette difficulté compliquée. Le cœur des hommes ne vaut pas grand'chose. Mais le poète Mæterlinck a prêté à l’un de ses plus sages vieillards cette parole, noble et désolée : « Si j'étais Dieu, j'aurais pitié du cœur des hommes!.. »

Du 25 au 28 octobre, qu'y eut-il?.… Chateaubriand se préparait à rejoindre Délie.. Le 28, il écrivit à son amie ombrageuse, Juliette Récamier : « Vous voycz bien que vous vous êtes trompée. Ce voyage étail inutile... » Ce voyage, non le sien, celui de Juliette! Mais à quel argument subtil et qu’il avait trouvé en son esprit plutôt qu’en son cœur faisait-il donc allusion, quand il affirmait à Juliette qu’elle voyait bien linutilité de son voyage? Et il ajoutait, le tranquille imposteur : « Si vous partez, vous reviendrez promptement et vous me retrouverez tel que vous m'avez laissé, c’est-à-dire le plus tendrement et le plus sincèrement attaché à vous. Je suis bon à l'user. Je ne me lasse jamais; et, si j'avais plus d’années à vivre, mon dernier jour serait encore embelli et rempli de votre image... » Tout de même, en dépit de ses fantaisies, ce fut ainsi, par un prodige à la réalisation duquel participa, d’ailleurs, Juliette plus que lui.