Trois amies de Chateaubriand

MADAME RÉCAMIER 201

société, certains jours, était nombreuse et illustre : Victor Cousin, qui avait des triomphes en Sorbonne, avec le béralisme éloquent qu’il joignait à sa petite philosophie; Villemain, qui pressentait et ne détespas la révolution prochaine; le méchant et intelligent Hyacinthe de Latouche, Saint-Mare Girardin, le vieux Gérard, le duc de Doudeauville, le duc de Broglie, le comte de Sainte-Aul'aire, Prosper de Barante, le baron Pasquier, Mmes Appony, de Fontanes, Gay, la comtesse de Boigne, ete.

Au mois de juin, Juliette organisa une lecture de Moïse, tragédie en vers qu'avait écrite Chateaubriand vers la fin de l'Empire et que les directeurs de théâtres n’approuvaient pas. Lamartine était là; et le grand homme l’appelait un « grand dadais ». Il a raconté cet après-midi?, qui ne l’'amusa guère. La compagnie : « toute la gloire et tout le charme de la France ». Quant au salon, il avait, aux yeux du jeune poète, « la froideur d’une académie qui tiendraiït séance dans un monastère ». Les meubles, simples et usés; sur les guéridons, des livres épars; sur les consoles, des bustes de l'Empire. Chateaubriand, grave, attendait, saluait avec cérémonie les arrivants. On avait chargé l’acteur Lafond de la lecture; et le gaillard, qui ne croyait peut-être pas devoir à l’auteur plus de prévenance, s’y était mal préparé : de sorte qu'il lut les premiers actes avec une hésitation

1. ÉpouarD Henriot, Mme Récamier et ses amis, tome II, p. 248. Même référence pour la lecture du Moïse. 2. Cours familier de littérature, tome IX, p.