Trois amies de Chateaubriand

206 TROIS AMIES DE CHATEAUBRIAND

Il se calma un peu et il dit: «Quel Français n’a pas éprouvé l'enthousiasme des admirables journées qui viennent de s’écouler? Et sans doute ce n’est pas l'homme qui a tant contribué à les amener qui a pu rester froid devant elles! » En parlant ainsi, avec la sincérité de la confiance et de la colère, Chateaubriand se rendait justice. Îl a certainement eu beaucoup d'influence, bonne ou mauvaise, sur les idées libérales de cette époque. Les journées de Juillet réalisaient, sous une forme rude, sa haine de lautocratisme; et la rancune qu’il avait contre les Bourbons coïneidait, en 1830, avec une question de principes. Il pouvait sans forfaiture, après les ordonnances, abandonner les Bourbons. Que. d’autres l'ont fait, qui n'avaient pas là-dessus la même liberté que luil. I ne le fit pas. Tel fut son orgueil, son bel orgueil qui, dans les bonnes occasions, primait sur sa vanité.

Avant des’en aller, Mme de Boigne lui demanda si décidément il n’avait rien à répondre au Palais-Royal. Il dit que non, que «sa place était fixée par ses précédents».Juliette seretira, triste, inquiète et enchantée,

Ensuite, il donna toutes ses démissions, se réduisit, par coquetterie superbe, à Jindigence. Il avaitsoixante-deux ans; il se mit à noircir du papier pour les libraires et, afin de pouvoir quitter la France où les choses s’arrangeaient à l'exclusion de lui, beau bohème, il chargea les commissaires-priseurs de lui vendre son mobilier, ses dorures de pair et tout cela.