Trois amies de Chateaubriand

MADAME RÉCAMIER 4 293

phaël, copiée par Mignard. Sur la cheminée, deux statuettes, l’une qui représentait M. de Fitz-James et l'autre Velléda. Sur les meubles, des livres épars: au pied du lit, une caisse de bois blanc, dont la serrure était détraquée : dans cette caisse, le manuscrit des mémoires.

En 1847, on en fit encore ete lectures. Chateaubriand, assis dans un fauteuil, les regards dirigés vers la fenêtre et le jardin, écoutait. Écoutait aussi, avec angoisse, émerveillement, Juliette Récamier, qui était arrivée « les bras un peu tendus en avant », selon le geste habituel des aveugles.

Le 24 février 1848, Louis de Loménie survint, annonçant que la France était entrée en république. Chateaubriand garda le silence, mais il sourit. Et ce sourire; que je me figure tout plein de tristesse, signifait une prescience qui vérifiait sa prophétie. Un peu plus tard, il dit : « C’est bien; cela devait arriver. »

Béranger, à son tour, parut. Chateaubriand :

dit, et, je suppose, avec une sorte de mépris : « Eh! bien, vous l'avez, votre république?... — Oui, je l'ai, répondit Béranger; mais j'aimerais mieux encore la rêver que la voir!!... »

Juliette Récamier ne quittait presque plus Cha-

tn

teaubriand. Elle ne le voyait pas. Il ne l’entendait

1. Cest, déjà, le mot magnifique de notre Forain : « Elle était si belle, sous l’Empire! » L’anecdote de Chateaubriand et de Béranger est racontée par Corromser, Chateaubriand, sa Vie et ses écrits (Lyon et Paris, 1851), P- 322.