Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

106 LE MARQUIS DE LA ROUËRIE

car pas un de ces gentilshommes ne manqua à la parole donnée au chef dont la chaude éloquence créa, cette nuit-là, une force que Napoléon luimême ne parvint pas à abattre. Vingt-cinq ans plus tard, il s’en trouvait encore qui, hâves, blanchis, méconnaissables, menaient sans repos par les landes leurs bandes décimées.

Cette scène, encore qu'on prit toutes précautions pour ne pas l’ébruiter, eut dans la région un écho singulier, soit que la fièvre qui régnait au château de la Rouërie eût gagné toute la vallée du Couësnon, soit qu'un ordre mal interprété eût fait croire à quelques agents que l'heure de mobiliser leurs hommes avait sonné, les paysans de Sougeal, de Vieuxviel, de Trans, prirent les armes. L'incident mérite d'être rapporté avec quelques détails, car il fut la première expérience de l’organisation du complot: il montre, en outre, de quelle facon les commissaires subalternes de la conjuration opéraient leurs recrutements, et il permet de pénétrer, pour ainsi dire, dans les coulisses de ce prologue de la chouannerie.

Donc, le lendemain du jour où la Rouërie avait réuni chez lui ses compagnons, à la sortie des vèpres célébrées à l’occasion du lundi de la Pente-