Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

LE CHATEAU DE LA ROUËRIE 107

côte, un jeune séminariste nommé Louis Orain, habitant Sougeal, invita quelques jeunes hommes à venir « manger un morceau et boire un coup » dans la chambre qu'il occupait chez le sieur Derbrée, vicaire réfractaire de la paroisse.

Ils se trouvaient là une trentaine; sur la table était un repas servi : pain blane, vin, cidre et un quartier de veau qu’une femme, Monique Gaillard, apporta tout fumant du restaurant où elle l'avait fait cuire !.

A peine fut-on admis, autour du « fricot », qu'Orain insinua qu'on pourrait peut-être faire, à la brume, un tour du côté du château de M. de Ia Rouërie, que ce seigneur était menacé par des bandes de brigands et qu'il serait reconnaissant à ceux qui viendraient à son secours.

— Je suis allé cette nuit au château, narra-t-il ; j'y ai vu M. le marquis, couché à plat de chambre et qui faisait pitié : il m'a demandé si je lui amènerais du monde.

Beaucoup approuvèrent, mais un des assistants, nommé Julien Gilbert, prit la chose assez froidement, répondit qu'il avait des fagots à faire et

1. Nous établissons ce récit d'après les très nombreuses dépositions des paysans de Sougeal, interrogés individuellement quelques jours plus tard par le juge de paix du canton de Trans. Nous nous efforcons de conserver les termes mèmes de ces relations et autant que possible leur naïveté et leur saveur très spéciale. — Archives nationales, W, 275.