Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

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s'enfermait durant des mois dans son château, ne recevant que Chévetel, avec lequel il sympathisait chaque jour davantage, et le major Chafner, qui vivait sous son toit, bien décidé à y finir ses jours et à ne jamais revoir l'Amérique.

Mais Armand de la Rouërie était doué de cette impressionnabilité qui permet tour à tour l’abattement et l’exaltation : il suffisait d’une circonstance fortuite pour le rejeter, de la tristesse où il s'enlisait, à l'exubérance qui lui était naturelle. Cette circonstance se présenta : la lutte de la Cour et des Parlements avait eu pour effet d'émouvoir le peuple de toutes les provinces : d’ailleurs, en 1788, l'agitation était partout: l'assemblée des notables, l'impôt territorial, le commerce des grains, la tenue prochaine des États généraux et l'affaire du Collier, la Cour pleinière et le Wariage de Figaro, les grands bailliages et Cagliostro, mille autres incidents graves ou futiles étaient l'objet des controverses dans toutes les famillest.

À peine les édits du 8 mai furent-ils arrivés à Rennes que toute la Bretagne prit fait et cause pour le Parlement. Le jour où l’intendant Bertrand de Molleville se présenta au palais pour y faire enregistrer les ordres du roi, la foule le poursuivit

de clameurs méprisantes : elle arrachait la baïon-

1. Mémoires d’outre-tombe.