Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

LE XVIII‘ LIVRE DE POLYBE (1805). 315 lire les avantages qu'il avait espérés ; il témoigna derechef et inutilement le désir d’être employé autrement qu'il ne l’avait été jusque-là. Il protestait avoir d’autres talents que celui de transcrire les lettres d'autrui (la correspondance de Paris venait de cesser), d’amuser, même par d’ingénieuses fictions, les souverains et leurs ministres. En venant de Berlin et en allant rejoindre son allié l'empereur François, Alexandre s'arrêta à Dresde et y recut à sa table tous les Russes de distinction. Les personnes attachées à la légation l’attendaient pour le saluer dans son antichambre. D'Antraigues était du nombre, et l'empereur lui adressa en passant quelques paroles. Ce fut tout.

Quelques semaines plus tard, la Russie était vaincue, l'Autriche terrassée, la Prusse ramenée pour quelques instants aux pieds de Napoléon, et le hardi intrigant qui avait travaillé à la conclusion de cette alliance foudroyée à Austerlitz se sentait de nouveau sur le continent à la merci de tous, amis ou ennemis. Impuissant à Vienne el à Pétersbourg, importun à Dresde, menacé du côté de Berlin, il accusait de ses propres déceptions les souverains qu'il avait fatigués de ses conseils : « Ils s’excusent à leurs yeux, disait-il, de ne savoir que faire de moi, car ils ne savent que faire d'eux-mêmes dans ces pénibles circonstances. Je suis trop royaliste pour être utile à des rois. Ils voudraient bien que je fusse mort, car cela les acquitterait de tout; les morts ne parlent plus, ils n'écrivent plus; on m'enterrerait, puis on placerait sur ma tombe trois ou quatre grosses calomnies... Si je n'avais femme et enfant, je vous avoue que je ne serais pas fâché que Dieu leur fit ce petit plaisir, car mon siècle m'ennuie, je suis las d’y exister (1)... »

(4) Fragment de lettre à … (A. F., France, vol. 635, {° S6.)