Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

314 CHAPITRE SEPTIÈNME.

traits d’Ariarathe, roi de Cappadoce (le due de Brunswick) et du ministre Héraclide (Haugwitz), puis, toujours sous le couvert de Polybe, il dissertait sur la haine, ce « sentiment céleste », et cette fois, s'exprimant de l'abondance du cœur, il donnait pour conclusion à son pénible pastiche deux ou trois pages vraiment éloquentes : il analysait et décrivait la haine avec Ja clairvoyance et la passion que le mystique auteur de l'{milation a mises à décrire L'amour : l'homme, se trahissant enfin sous le politique et le pédant, faisait valoir l'écrivain.

« Bonaparte, lui écrivait alors Markov, ne peut être le contemporain d'aucun roi légitime; il faut qu'il les tue ou qu'on le tue (1). » D’Antraigues, en commentant cette phrase féroce, non seulement oubliait ses devoirs envers la France, mais il excitait contre elle ceux qui étaient dès lors et devaient rester nos pires ennemis. Il a ainsi pour sa part donné l'éveil à cette landwehr patriotique qui, au lendemain d'Iéna, fonda sur la haine de la France l'esprit national allemand. L'émigré La RocheAymon allait rédiger après Tilsit le règlement de la cavalerie prussienne, et l'émigré La Maisonfort, dans son Tableau politique de l'Europe imprimé en Allemagne en 1813, donner le ton aux insulteurs de Napoléon tombé. Avant eux, l'émigré d'Antraigues, émule de Jean de Müller et de Kotzebue, eut le triste avantage de développer les sentiments dont Stein et Scharnhorst ont été les plus ardents interprètes. Ce fut avec des phrases inspirées par le faux Polybe qu'Alexandre I‘ et le roi de Prusse se jurèrent, le 1* octobre 1805, sur le tombeau du vieux Fritz, une amitié éternelle.

L'auteur ne recueillit point de cette publication singu-

(4) B. M., Add. mss. 31230, f° 165.