Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

PUISAYE — LES BOURBONS (1807-1811). 335

C'était parler en familier dévoué du Foreign Office. Puis, quand Fauche le somma de faire honneur à ses promesses et de seconder l'établissement près de Londres de leur ancien maître, il répondit avec désinvolture : « Tout cela ne me regarde pas... Je suis Russe, je vivrai et mourrai fidèle sujet de l’empereur de Russie. »

Malgré cette qualité, qu'il allait d’ailleurs bientôt perdre, d'Antraigues eût voulu supplanter Fauche dans la correspondance avec les royalistes français : ambition étrange, si l’on pense à l'état de nullité où étaient tombés les partisans des Bourbons en 1808, et à ce fait caractéristique que Perlet, leur homme de confiance à Paris, était soudoyé par la police impériale. Du moins d'Antraigues se défiait-il avec raison d'agents suspects par leur avidité ainsi que par l’étalage de leur zèle. Toujours d'accord avec Puisaye, il poursuivit en Fauche-Borel leur dupe, et aussi l'instrument trop docile du cabinet royal. N'ayant pu le décider à passer en Amérique, il réussit à le faire éloigner de Londres et reléguer à Oxford, et Fauche, après avoir dénoncé en vain son implacable adversaire, en était encore réduit, au moment de la mort du comte, en 1812, à faire connaître au publie, dans une brochure, les persécutions subies par lui « de la part de MM. d’Antraigues et de Puisaye (1) ».

Après F'auche, ce fut le tour de d'Avaray. Les deux amis (on serait tenté de dire les deux compères) ne reculaient pas, pour atteindre le tout-puissant favori, devant la pensée de blesser par-dessus sa tête celui qu'ils appelaient toujours leur légitime souverain. D’Antraigues promit à Puisaye, qui allait publier le sixième volume de ses Mémoires, des pièces destinées à ruiner sans faute, affir-

(4) Favcux-Borez, Mémoires, t. IV, p 26, 39, #1, 55, 138.