Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

334 CHAPITRE HUITIÈME.

comme jadis le comte d’Artois, en Écosse, dans le palais délaissé des Stuarts. Royalistes et ennemis du roi, tout leur jeu consistait à vouloir diriger, sans son chef naturel et légitime, un parti à qui les forces, les ressources, l'avenir semblaient manquer désormais.

Alopéus était alors le principal représentant de la Russie à Londres. Par lui d’Antraigues fit passer à Pétersbourg une relation de l’arrivée de Louis XVIII en Angleterre. Selon lui, — et il invoquait l'autorité de son oncle Saint-Priest, un autre disgracié réfugié à Stockholm, ce prince avait cédé aux sollicitations de d'Avaray, trompé lui-même par des correspondants imaginatifs tels que Fauche-Borel et Danican; ceux-ci avaient cru pressentir quelque entreprise du cabinet britannique sur le sol français, ef le roi accourait pour empêcher que Puisaye, son sujet et son intraitable ennemi, ne fût chargé de la conduite de l'affaire. Ce que d'Antraigues disait à demi-voix en Russie, il le publiait dans un article (non signé) du Courrier d'Angleterre (1), faisant bien ressortir l'impopularité de la cause royale parmi les Anglais, la nécessité pour le ministère de tenir Louis XVII absolument à l'écart. On en veut surtout, disait-il, à M. d'Avaray, qu'on croit avoir entrainé le roi ici sans conseil ni sans en avoir prévenu, et aussi à cause de sa pétulance et de sa nullité. Mais à dire vrai, ajoutait-il, on s'exagère ce que c'est que cet homme; sans doute il conduit le roi, mais il n’a ni talents, ni vues, ni moyens, ni connaissances, ef avec des ministres anglais, en deux minutes il serait aux abois, n’osant ni ne pouvant articuler une parole (2).

(1) Get article est annexé à une dépêche d'Alopéus à Roumianzov, 21 novembre 1807. (A. P.) (2) Faucue-Borez, Mémoires, t. III, p. 412.