Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

354 CHAPITRE HUITIÈME.

chal Vaillant. Ils rappelaient que leur protégé, plus de soixante ans auparavant, avait imploré du premier Bonaparte la grâce de son père. Jules d’Antraigues se laissa faire, sauf à cacher (c'était là encore une tradition de famille) à ses amis de la veille les secours qu'il réclamait de ses protecteurs du moment. Napoléon IIT accorda une pension de 1,200 francs sur sa cassette.

Cet héritier d’un nom célèbre, qui avait parcouru dans sa jeunesse presque toute l'Europe, et qui parlait l’italien, l'anglais et l'allemand, était doué d'une intelligence vive, et des études variées l’enlevèrent par intervalles aux tracas de ses affaires et au sentiment de ses épreuves. Il inventa ou crut avoir inventé des machines pour le fonctionnement des moulins et la marche des navires, fort peu pratiques sans doute, en tout cas inutiles à sa fortune. Plus tard il rédigea un Dictionnaire des homophones anglais et français, œuvre bizarre, mais curieuse, où il expliquait dans l'une et l’autre langue les sens divers des mots usités des deux côtés de la Manche et d'apparence identique par leur composition, leur racine ou leur prononciation. Ce singulier ouvrage est resté manuscrié.

Jules d’Antraigues passa ses derniers jours à Dijon, dans une petite maison du faubourg Saint-Pierre, voué à une solitude farouche et humiliée. Pour qu'il ouvrit sa porte, il fallait qu'il reconnüt une manière de frapper dont il avait donné le secret à ses rares connaissances. Il était déjà souffrant de la maladie qui devait l'emporter, lorsque sa femme mourut; il lui survécut quelques mois. Avec ce malheureux homme, mystérieusement baptisé aux confins de la Suisse et de l'Italie, élevé en Allemagne et en Angleterre, inscrit dans le {chine russe, marié avec une Irlandaise, dont les desseins comme