Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

APPENDICE. 315

avons, puisque ses héritiers ont remis tous ses papiers; je vous enverrai les matériaux que Desnoyers lui fournissait ; vous verrez s'ils sont aussi bons que les nôtres.

Alors vous restez maître du secret et du travail, et ce travail arrive non en gazelle, mais en rapports éloquents qui prouvent que vous pouvez faire mieux que des bulletins. N'envoyez donc pas ce résumé de février, mais faites un aperçu de situation à votre manière et servez-vous des faits et des moyens. Si alors cela ne réussit pas, c’est qu'il n'ya rien à faire, et je vous propose alors de vous établir en Angleterre, bon gré, malgré eux-mêmes, s'ils étaient assez imbéciles pour y résister, ce dont je suis complètement sûr du contraire. Là vous n'aurez que de l'argent à avoir, et pas de place ni titres avec votre volonté bien juste de garder votre religion; mais pour de l’argent, vous en aurez, et tant que vous voudrez, et cela vaut bien un cordon.

Tous les moyens je les ferais aboutir à vous seul, bon gré, mal gré, et rien ne sortirait que de votre main; enfin j'offre de vous placer à la tête de toute la besogne à Londres avec l'appointement qu'il vous plaira et le traitement éventuel de retraite conséquemment à l'appointement. Voilà ce que mon amitié sans bornes vous propose au cas où il n’y aurait rien à faire en Russie, où pourtant l'on n’a pas eu de tort, puisque vous avez eu celui de consentir, à votre âge et avec cette réunion de talents, de suivre les bureaux d'un ministre à Dresde. Songez à votre âge; ce talent passera, et les besoins resteront, au lieu que, si vous ne pouvez percer en Russie, de ce côté vous aurez bientôt une fortune, et avec cela on a tout un jour. Réfléchissez-y; vous en avez le temps, et donnez vos ordres à vos amis.

Je me dois encore de vous faire une observation qui a paru le comble du ridicule à notre amie, qui n’a pas voulu vous en parler; mais, quoiqu’elle m'ait forcé de la taire, je ne puis me refuser à vous la soumettre. J'aurais retardé si la petite interruption que les circonstances commandent ne me forçait à tout dire cette fois.