Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

406 APPENDICE.

date d’assez loin. On leur a envoyé avant la paix un chargé d’affaires nommé La Valette, homme doux, mais spirituel et sensible, dont la femme était une parente des Beauharnais; cet homme y a été très méprisé, très maltraité. Sa femme, vaine et maligne, a été aigrie; ils n'ont pas su ses attenances; mais, quand Bonaparte s’est emparé de tout, son premier soin a été de placer La Valette comme homme sûr à la tête de l'administration des postes, avec le ministère secret de l'ouverture des lettres ; sa femme a été faite dame d’atours de Joséphine, et, sans être son amie intime, elle est très liée avec elle. Il en est résulté que ces gens, aigris des humiliations qu’on leur a prodiguées chez l'électeur, n'ont jamais manqué et continuent à aigrir Bonaparte et Mme Bonaparte; ainsi date de cette époque un fonds d’aigreur et d’éloignement contre la Saxe en général et l’électeur en particulier, que le mépris de Talleyrand ne calme pas. Entre nous, il y a même de l’aigreur chez Durant contre l'électeur, et vous sentez bien que ceci est pour vous seul et ne doit pas parvenir au prince de Czartoryski; cela nuiraït à Durant, à qui j'ai non pas une, mais des millions d’obligations pour moi et tous les miens. Durant, lors des travaux sur les indemnités, reçut de Bonaparte lui-même la permission de faire valoir sa protection tout ce qu’il pourrait, et Talleyrand l'y engagea fortement, en le prévenant que lui-même, qui travaillait à cela en grand, ne voulait pas l’employer dans ce qui était de ses intérêts dans cette affaire pour ne pas lui nuire; et en effet il y employa foree coquins, à la tête desquels étaient Mathieu en Allemagne et Pastorèche à Paris, et parmi ceux-là le plus coquin et le plus vil queux de tous, le prince de Nassau ; l'excès des friponneries, des atrocités de celui-là ont surpassé tout ce que pouvaient faire les gens du métier. Je vous dis cela exprès, parce qu'il est à Pétershourg, à ce que l’on nous écrit de Vienne. Dites cela au prince de Czartoryski; qu'il lui mette quelques personnes après, et on verra les beaux détails qu'on en tirera, car je lai en-