Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

414 APPENDICE. -

plusieurs conseils de cabinet; ils diffèrent du Conseil d'État en ce qu'ils sont composés de peu de personnes, que nul n’a droit d'y être que ceux que fait avertir, en très grand secret, le préfet du palais par un billet où est désigné le lieu et l'heure ; c’est souvent, ou de bon matin, ou après dix heures du soir. Il n’est pris aucun registre ni procès de ces séances, mais lorsque l’on veut convenir de quelque point et fixer des arrêtés, on fait appeler ou Durant ou Maret pour écrire ce qui lui est ordonné et ce qui est écrit est toujours remis dans le cabinet de Bonaparte seul, qui l'envoie ensuite à Talleyrand, quand surtout cela le regarde, presque toujours cela le regarde, étant hors d'usage d’assembler ces conseils pour toute autre affaire que la politique. Melzi, vice-président de Ja République Cisalpine, avait été de tous les conseils de cabinet depuis son arrivée. Celui-ci ayant vu manquer l'affaire de Lucien au grand désespoir de son bras droit Guicciardi, voyant Joseph, qui, en janvier, prêt à être proclamé, a refusé l'asservissement auquel on le voulait ployer et qui, plus que tout, voyant l'ambition de Bonaparte s’'accroître et devenir chaque jour plus féroce, a pensé qu'il serait le plastron des premiers coups, Melzi, voyant cela, aurait assez incliné à différer encore la proclamation d'une royauté en Lombardie.

Talleyrand eût été assez de cet avis, prévoyant, par les offices que Philippe Cobenzl faisait dès les mois de décembre et janvier, qu’il pouvait naître de tout ceci un grand incendie, et c’est pourquoi il obtint de Bonaparte alors de faire une réponse à l'Autriche assez calmante; mais cela n'a pas tardé à changer de face et Bonaparte s’est décidé à la guerre et à un accroissement de puissance qu'il croit devoir le mettre un jour en repos.

Talleyrand est le premier qui ait pressenti sa ferme résolution, et pour affermir son crédit, il a persuadé à Melzi de demander un conseil de cabinet où seraient traitées pour la dernière fois les affaires politiques relatives à l'Italie, et s’il ne serait pas convenable d'acquérir la paix par des sacri-