Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

LE MÉMOIRE SUR LES ÉTATS GÉNÉRAUX (1788). 51

eurent part à cet ouvrage (1). Il fut imprimé à Avignon, et vite distingué au milieu des innombrables écrits qui sollicitaient l'opinion. Du jour au lendemain, à la faveur d'un anonyme transparent, l'auteur fut célèbre, et quatorze éditions de son livre se succédèrent.

Les pages qui provoquèrent le plus les applaudissements ou le scandale sont celles qu'il devait contredire ou expliquer dans ses écrits ultérieurs, et démentir par sa conduite. Sa première phrase est celle-ci : « Ce fut sans doute pour donner aux plus héroïques vertus une patrie digne d'elles que le ciel voulut qu'il existàt des républiques. » Il est en effet républicain, si l’on peut désigner de ce nom tout adversaire d’un régime absolu. Cet audacieux sujet dénie à un roi, surtout à unroi héréditaire, le pouvoir législatif. IL appelle les cours des foyers de corruption, la noblesse politiquement « une espèce de nation particulière », et socialement « un épouvantable fléau ». Mais sa république est dans l'air si l'on veut, en tout cas hors de France. Il l'avait vue en Suisse, au milieu de la Landsgemeinde de Schwyz ou d'Uri, c'est-à-dire chez des populations simples, réunies sur un territoire restreint, se gouvernant par elles-mêmes, sans l'intermédiaire de députés élus. Celle-là, il l'admirait, sur la foi de Jean-Jacques; il avait même reçu en héritage de son maitre un écrit consacré aux États démocratiques non représentatifs. Après lui, comme lui, il manifeste plus de confiance dans la droiture du simple citoyen, né bon, que dans les plus sublimes talents des députés.

Aussi craint-il, pour ceux qui vont renouveler la France, des pouvoirs sans limites. Il faut leur conférer

(2) À l'ordre de la noblesse du Vivarais, p. 8. — Mme d’Antraigues mère à son fils, 27 mai 1802 |