Un diplomate d'il y a cent ans : Frédéric de Gentz (1764-1832)

— 206 —

littéraire. Les produits de l'esprit, dit-il, quelle que soit leur origine, forment un bien commun de l’humanité dont jouit «tout le monde civilisé » ‘. Le revirement qui se produisit dans sa façon de juger la politique extérieure ne suffit d’abord pas pour transformer ce cosmopolite en nationaliste. Bien au contraire, c’est en tant que cosmopolite européen que Gentz craignait les progrès de la domination française.

Très significatif à ce propos est le point de vue auquel il se place dans sa Réfutation de d'Hauterive. Dans la préface, il évite toute expression qui pourrait le faire accuser de chauvinisme, et bien que, dans le cours du livre, il prêche l'union des deux grandes puissances allemandes, la Prusse et V'Autriche, il tient à ne pas faire trop sentir que c’est un Allemand qui a écrit cet ouvrage ; au fond, il reste le citoyen du monde qu’il avait été jadis, et il tient même à le dire expressément: « J’ai parlé alternativement en Prussien, en Autrichien, en Anglais, etc... car, en tant que l’intérêt de chacun coïncide avec l'intérêt général, toutes les nations ont pour moi une valeur égale. Je les ai regardées d’un point de vue pour lequel ni la haine, ni l'amour, niun pré-

1. Ausgewählte Schriften. Ed. Weiïck. V, p. 19%: «Alle Produkte des Geistes, wo sie immer aufwachsen môgen...» «ein

gemeinsames Gut, woran die ganze civilisierte Welt sich laben und nähren kann.»