Un diplomate d'il y a cent ans : Frédéric de Gentz (1764-1832)

l’ont fait beaucoup de ses anciens amis. Mieux placés que les contemporains, grâce au recul de l’histoire pour le juger impartialement, nous pouvons nous abstenir de voir en lui un renégat et essayer de comprendre la portée d’une conversion qui indigna si fort Gentz lui-même. Nous supposons simplement que l’esprit de Johannes von Müller, dont la culture avait été avant tout historique, était autrement fait que celui du rationaliste Gentz. Le tribunal qui pour lui jugeait en dernier ressort était non pas la raison, mais l’expérience. Aussi, avant de se prononcer sur une question politique, interrogeait-il non pas une faculté intellectuelle au fond de lui-même, maisles faits passés ou présents. En 1806, il les avait interrogés, et les faits avaient répondu Iéna. Nous sommes au contraire portés à croire que dix Iéna et dix Wagram auraient laissé Gentz inébranlable. C'est qu’il croyait sa théorie de léquilibre supérieure aux faits. Il se serait retiré entièrement des affaires, il se serait enfoui dans un coin de Hongrie, mais il n’aurait pas transigé sur certains points. Cette hypothèse n’est pas en contradiction avec la conduite observée par Gentz dans certaines circonstances historiques. Il faut en effet distinguer entre une adaptation purement extérieure et inévitable en politique — dans laquelle Gentz excellait — et une adaptation intérieure qui consiste