Un diplomate d'il y a cent ans : Frédéric de Gentz (1764-1832)

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à tout mysticisme, même à celui de la raison. Il ne suffit pas en effet de s’affranchir d'anciennes erreurs, il faut savoir supprimer jusqu'aux derniers vestiges de ces erreurs et ne pas les transporter sur un autre terrain. Les miracles que condamne la raison ne se produisent pas en sa faveur. Les révolutionnaires français se sont trompés pour avoir cru que leurs principes se réaliseraient par suite de leur valeur intrinsèque. Ils ne se sont pas demandé si les conditions nécessaires à cette réalisation se trouvaient réunies. Ils ont donc compté sur des prodiges. Ils ont fait des constitutions pour des êtres parfaits qui n'existent pas; ils ont essayé d’édifier leur système en dehors du temps et de l’espace.

Gentz se croit en droit de le leur reprocher au nom du rationalisme. S'il les attaque, c’est en se basant sur les principes dont ils se réclament, et il semble être en cela plus conséquent qu'eux.

Le penseur qui, répudiant toute métaphysique, part des faits, respecte les conditions de temps et d'espace, d'époque et de milieu, tout en s’appuyant sur la raison, est dans le langage moderne un positiviste. En ce sens, Gentz l’a été. Mais peut-être tout rationalisme contient-il en germe le positivisme. Il est vrai que cette forme de pensée se cristallise parfois chez un écrivain politique en une tendance