Un diplomate d'il y a cent ans : Frédéric de Gentz (1764-1832)

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que. Il n’y à en politique que des impératifs hypothétiques. On ne se demande plus simplement : « Dois-je faire cela? » mais: « Dois-je faire ceci, si je veux arriver à tel résultat?» Le droit est le droit et reste le droit dans les circonstances les plus différentes. La politique au contraire doit, par définition, s'inspirer des circonstances. Il y a presque là une antinomie. Et Gentz a fort bien su la discerner un peu plus tardt. Mais il est douteux qu'au moment où il raisonnait sur l’origine et les principes supérieurs du droit, il ait fait cette séparation avec beaucoup de clarté.

Son premier évangile politique, que nous ne pouvons que deviner d’après ses lettres, a dû être doublement rationaliste, en ce sens que le but que Gentz se proposait était conforme à la raison et qu’il croyait pouvoir transporter sans plus de ménagements dans la vie des Etats les résultats des spéculations philosophiques. Nous aurons à expliquer comment il s’en détacha plus tard, et comment se pose pour lui le problème des rapports de la raison et de Fexpérience. Pour le moment, il ne faut pas oublier que dans sa profession de foi rationaliste, Gentz ne parle pas du droit des peuples à se gouverner eux-

1. Voir notamment une note de la traduction de Burke, sur laquelle nous reviendrons. Ausgewählte Schriften, Ed. Weick, I. p. 117, 118, 119.