Un témoin américain de la Révolution française : Gouverneur Morris

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la cour au peuple ont une maîtresse capricieuse, une maitresse qu'on peut gagner par des sacrifices, mais non garder, car elle est insatiable... » — « Le fonds de la nature humaine reste toujours le même : ce que poursuit l'homme ne varie pas, si nous pénétrons le voile de décence dont se couvre une jeune ambition; si nous ne pouvons le faire, il nous en épargnera le soin quand tomberont les barrières qui ont été élevées contre lui par ce grand allié de la vertu, {a loi... » La loi! voilà le mot prononcé, voilà ce qui soutient l'édifice social, et la loi constitutionnelle est la première et la plus importante de toutes. C'est cette loi qu'il faut pré_ server des passions, des caprices, de l'audace des factions. N'ayant pas confiance dans la nouvelle constitution, Morris ne pouvait prévoir que des malheurs; les événemens ne devaient lui donner que trop vite raison.

Morris repart pour Paris au mois de septembre et traverse une partie de l'Allemagne. Dès son retour il donne à Lafayette, sans. ménagement, son opinion sur la situation : « Pendant que je parle, il pälit. Je lui dis que le temps approche où tous les braves gens doivent se grouper autour du trône; que le roi actuel est précieux en raison de sa modération; que la constitution faite par l’assemblée n’est bonne à rien; que, pour lui, sa situation personnelle est très délicate; nominalement il commande les troupes, mais je ne vois pas comment il peut établir aucune discipline, et, s'il n’y réussit, il se ruinera tôt ou tard. » Ces graves conversations se mélent, dans le journal de Morris, aux détails les plus frivoles, et c'est ce qui, en partie, en fait le charme. On ne supporterait pas indéfiniment les plaintes d'un Cassandre et ses sombres prophéties; mais il nous montre bien ce qu'était Paris pendant la révolution, courant à ses plaisirs et les goûtant avec la fièvre de l'inquiétude. Lui-même est sans cesse agité, il fait de mauvais vers anglais pour ses belles amies et donne des consultations aux ministres. Il est ridicule et il est éloquent; il intéresse, car, en dépit de tout, bien que ses idées et ses sentimens soient sans cesse blessés, il aime passionnément la France, la vie française. « J'admire toujours l'architecture du temple, bien que je déteste les faux dieux auxquels on le dédie. Les dues et les corbeaux, les oiseaux de nuit font maintenant leurs nids dans les niches. » Il espère, par instant, que de tant de mal sortira le bien; au commencement de 4791, il dit à Washington : « Au milieu de toute cette confusion, de cette confiscation des propriétés du clergé, de la vente des domaines, de la réduction des pensions, de l'abolition des offices, et surtout de ce grand liquidateur de la dette publique, le papier-monnaie, cette nation cherche sa voie vers un nouvel état d'active énergie qui, je crois, se déploiera aussitôt qu'elle aura un