Un témoin de la Révolution française : Journal de Benjamin Cuendet de Sainte-Croix (Suisse), officier de la garde nationale à Lyon, 1769-1815 : ouvrage orné de deux portraits et de planches en fac-simile

valeuret son intérêt : ces feuillets jaunis nous apportent, presque au jour le jour, les impressions spontanées d'un petit bourgeois, d'un enfant du peuple, obscur témoin de quelques-uns des plus grands événements de l'histoire ; — témoin d'autant moins sujet à caution qu'étant étranger, il se trouvait affranchi de toutes les passions qui agitaient alors son entourage: ni regrets d’un régime tombant sous le mépris publie, ni intérêts immédiats, ni craintes ou ambitions personnelles ne venaient influencer son jugement. Protestant et citoyen d'un pays libre, il ne pouvait que se montrer favorable aux idées nouvelles : ses sympathies allèrent donc tout naturellement à la cause révolutionnaire.

A diverses reprises, on verra qu’il déplore les violences, les effusions de sang, les massacres qui souillent les victoires du peuple, à Paris, à Lyon et ailleurs; mais il ne s’émeut pas outre mesure des exécutions ordonnées par le Tribunal révolutionnaire, qu'il regarde comme des mesures de justice et de salut publie. Qu'on le veuille ou non, tel était bien le sentiment général des contemporains, du moins dans ces classes qui, pendant des siècles, avaient dû subir la double tyrannie d'un clergé fanatique et d'une Cour dissolue! !

Cédant à de nombreuses sollicitations, nous publions ce journal tel qu'il est, nous bornant à rectifier l'orthographe un peu trop fantaisiste de l’auteur, à identifier les noms des localités traversées par Cuendet au cours de ses fréquents voyages de Lyon en Suisse, et à donner, en notes et références au bas des pages, les éclaircissements dont le texte pourrait avoir besoin.

Avec le plus diligent empressement, M. CI. Perroud s’est offert à réviser, corriger et compléter ces annotations. Qu'il veuille bien recevoir ici l'expression de nos plus vifs remerciements pour sa trop discrète et savante collaboration.

Euc. MOUTARDE.

! Est-il nécessaire de rappeler les témoignages des contemporains euxmêmes à cet égard? Parmi les moins suspects de partialité, nous nous bornons à citer l'opinion de la marquise de La Tour du Pin : « Plus j'avance en âge, plus je considère que la Révolution de 1789 n’a été que le résultat inévitable, et je pourrais même dire la juste punition des vices des hautes classes. Lorsque la société esl assez corrompue pour que tout paraisse naturel et qu'on ne se choque plus de rien, comment s'étonner des excès auxquels les basses classes, ayant de si mauvais exemples devant les yeux, ont pu se porter? » {Journal d'une femme de cinquante ans, 1758-1815).