Bitef

docilité, sans autre considération que celle des voies qui les mènent l'un vers l'autre. Nul poète n'a mieux suggéré cet envoûtement total dans un égoïsme à deux. En revanche, nul n'a mieux exalté la beauté de la passion lorsqu'elle attieni cette pureté qui exclut toute autre préoccupation.«

■ш Faut-il présenter le metteur en Я £У scène, notre ami Otomar §/ Krejca? Nous lui devons déjà spectacle trois de nos meilleurs spectacles: un [Hamlet qui fait sensation, et deux !pièces de Tchékhov : La Mouette et Les Trois Soeurs. Il est tchécoslovaque. Il commença par être acteur ; puis fut metteur en scène; enfin, il fonda son propre théâtre, à Prague, et pendant plusieurs saisons des foules enthousiastes s’y pressèrent: chaque nouvelle production de Krejca était un événement. Depuis quelques années, cet homme que Von considère comme Vun des plus grands metteurs en scène européens, travaille à Vétranger, tout en rentrant dans son pays de temps en temps. C’est sur les principales scènes allemandes qu'on a pu voir ses réalisations, mais il va prochainement se rendre en France, où des contrats Vappellent, et particulièrement au Festival d'Avignon 1978. Ce qui ne l'empêche pas, de faire à l'occasion, un petit détour en Belgique. Krejca n'est pas un de ces metteurs en scène »dans le vent« qui manient les pièces selon leur bon-plaisir, les tripatouillent, les tordent dans un sens ou dans l'autre, ler broyent puis les remodèlent, de sorte qu'à la fin de cette gymnastique, il ne reste plus rien de ce qu'a voulu dire l'auteur. Bien au contraire, il déclare: ». . . une oeuvre classique, il faut la lire avec ses propres yeux. Bien lire, c'est honorer, adorer l'oeuve de toutes ses forces et de tout son esprit .« Il ne s'agit pourtant pas, selon lui, d'en faire le numéro d'un catalogue de musée, figé dans sa vitrine. Pour lui, »Romeo et Juliette« est une pièce moderne: ces familles haineuses qui s'entregorgent dans les rues de Vérone, aussi bien que les jeunes amants ne vivant que pour leur amour, nous pouvons les rencontrer aujourd'hui, il n'y a qu'à regarder autour de soi. Aussi, dans son spectacle, si les vieux le Prince et sa suite, les parents Capulet et Montaigu onf des costumes de style Renaissance, les jeunes eux portent des vêtements, non pas modernes, mais qui peuvent être de tous les temps. Un exemple : les culottes des garçons ne sont certes pas des modernes blue-jeans, mais cela peut évoquer des blue-jeans ; le brutal Tybalt, tot de noir vêtu, c'est à la fois un gentilhomme du quattrocento et un jeune fasciste de notre siècle. Les décors sont très simples: un balcon, un mur et un simple parallélipipède. De scène en scène, ces trois éléments bougent et créent ainsi les divers lieux de l'action.

Dans ce cadre, il importe que se déplacent des êtres intensément vivants, dont chaque spectateur pourra dire, parlant de l'un ou de Vautre: »Tiens, celui-là, je l'ai rencontré pas plus tard qu'hier /« Comme se le demande Otomar Krejca, non sans quelque mélancolie: »Y a-t-il vraiment une grande différence entre » l'art de la vie« d'il y a quatre siècles et celui d'aujourd'hui? N'est-il pas tragique que nous puissions monter ces classiques comme s'ils avaient été écrits, la semaine dernière? Le plus sensible changement se remarque dans les armes du meurtre; les motifs fondamentaux, eux, ne varient pas beaucoup.« L'intensité des sentimets que se portent l'un à l'autre les jeunes amoureux, elle non plus, ne varie pas beaucoup. Heureusement !