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on printemps 1985, a marqué une date dans l’année commémorative du grand poète républicain. Plus lointainement, il avait monté à GennevilKers, à Ivry, puis en tournée européenne, Les Burgraves - 1977 □ De toutes les oeuvres dramatiques de Victor Hugo, Lucrèce Borgia est celle qui se rapproche le plus de la tragédie grecque. On en retrouve les figures archaïques: la mère criminelle et incestueuse, Lucrèce, à la fois Clytemnestre et Jocaste; le fils qui est le héros et l’amant, Oreste ou Hamlet, ou Oedipe, mais il porte ici le nom d'un mois du calendrier, Gennaro, il est un de ces mâles voués au malheur par l’obscurité ou le mystère de leur naissance (le poète n’a jamais fait que raconter leur histoire); l’ami fidèle, Pylade ou Horatio, qui s’appelle ici Maffio; le mari cruel, l’homme puissant, le tyran, Claudius ou Egisthe, ici Alphonse d’Este. Ainsi le spectacle que donne le Théâtre National de Chaillot est-il inspiré de cette référence aux formes premières du théâtre. Sur une scène en pente, il expose la tragédie dans sa violence ingénue. Les Borgia sont

les Atrides du Moyen Age, disait Victor Hugo. Autre façon de dire qu’il était, lui, l’Eschyle des temps nouveaux; cette ambition était aussi celle de Wagner, et c’est d’elle que la mise en scène, par sa forme même et le jeu des acteurs, veut témoigner □ Antoine Vitez

Antoine Vitez Antoine Vitez est né en 1930 à Paris. Son père, Paul Vitez, était photographe, et anarchiste. Il est acteur depuis l’âge de dix-huit ans. Il a fait plusieurs métiers - notamment celui de traducteur qu’il n’a jamais abandonné -, et il pratique la mise en scène depuis l’âge de trentesix ans. Il fut le secrétaire d’Aragon, Il fut membre du parti communiste de 1957 à 1980. Il a publié deux livres de poésie. Il fonda en 1972 le Théâtre des Quar-

tiers d’lvry, où il demeura neuf ans. Depuis de ler juillet 1981, il dirige le Théâtre national de Chaillot. Il fut professeur au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de 1968 à 1981. Son oeuvre de metteur en scène, en vingt années, compte, à ce jour, cinquante hois ouvrages □

Du Théâtre National Populaire au Théâtre National de Chaillot ( C’est dans le Palais du Trocadéro, é- ; difîé pour l’Exposition Intematio- i nale de 1878, que Finnin Gémier in- : augure, le 11 novembre 1920, le ; Théâtre National Populaire. Il exer- , ce ses fonctions jusqu’à sa mort, en ; 1933. Durant son mandat, il fait ap- i pel, comme le prévoit son cahier des ■ charges, au concours des théâtres na-

tionaux: Opéra, Opéra-comique, Comédie-Française, Odéon, qui présentent les ouvrages de leur répertoire. Le ler février 1936, en prévision de l’Exposition Internationale de 1937, la construction du Palais de Chaillot est entreprise sur les fondations conservées de l’ancien Palais du Trocadéro. Les journaux de l’époque s’émerveillent des dimensions de la nouvelle salle de théâtre. Elle peut accueillir près de 3.000 spectateurs. Du dernier sous-sol au sommet, la hauteur du bâtiment égale celle des tours de Notre-Dame. De grands artistes de l’époque participent à la décoration des lieux: Raoul Dufy, Luc-Albert Moreau, Maurice Denis, Brianchon, Chapelain-Midy, Waroquier, Vuillard, Bernard, Roussel... En 1939, Paul Abram, qui conserve par alleurs, comme l’avait fait Gémier, la direction de l’Odéon, est nommé directeur du Théâtre National Populaire. La réouverture a lieu le 10 mars avec le Bourgeois gentilhomme. L’activité du théâtre s’interrompt lorsque la guerre éclate, en .septem-

bre 1939. Elle reprend en septembre 1940, avec Pierre Aldebert, animateur de grands spectacles en plein air, tels que le Vray mystère de la Passion sur le parvis de Notre-Dame. En 1947 a lieu à Avignon la première Semaine d’Art, dirigée par Jean Vilar. En 1951, celui-ci est nommé, sur proposition de Jeanne Laurent, alors sous-directrice des spectacles, directeur du Théâtre National Populaire - dès lors désigné par son sigle: T. N, P. En attendant de pouvoir disposer de la rolle de théâtre encore utilisée par l’O. N. U., Jean Vilar va à la rencontre d’un nouveau public, en proche banlieue à Suresnes notamment où il donne le Cid de Corneille, le Prince de Hambourg de Kleist, Mère Courage de Brecht, Le T. N. P. s’attache à renouveler les conditions de la représentation dramatique: début du spectacle avancé en semaine à 20 h 15, accueil en musique à partir de 18 h 45, au bar, où sont servies des collations à prix modérés, vestiaire gratuit, pourboire supprimé. Ces mesures, qui créent une atmosphère de fête familière, vont de pair avec une grande exigence artistique et morale. La fermeture

des portes dès le commencement du jeu, qui élimine le mouvement des retardataires, assure le respect des | oeuvres comme des spectateurs. On peut en outre acheter au théâtre le texte-programme de chaque pièce. Des abonnements donnent la possibilité de voir les cinq nouveaux spectacles de la saison pour un prix modique. Le T, N. P. offre au public scolaire des matinées étudiantes les jeudis et samedis aprèsraidi. II édite un journal mensuel, Bref, qui publie des études et des entretiens sur les pièces inscrites au répertoire, ainsi que des informations concernant la vie du théâtre. Des séances musicales régulières s’ajoutent aux activités dramatiques. Et l’on n’oublie pas la présence modeste et rayonnante à la fois, au coeur de la troupe, d’un grand acteur d’une popularité immense: Gérard Philipe. En 1963, Jean Vilar renonce au renouvellement de son contrat. Il est remplacé par Georges Wilson. En 1967, Georges Wilson ouvre théâtre Gémier (500 places) aménagé dans l’ancien bar, destiné à la présentation d’oeuvres contemporaines. Le premier spectacle est composé de pièces de Kateb Yacine et Tankred Dorst.

Dans la grande salle sont notamment donnés, en 1965, Chant public devant deux chaises électriques d’Armand Gatti, mis en scène par l’auteur, et l’lllusion comique, de Pierre Corneille, mise en scène par Georges Wilson. En 1973, le sigle T. N. P. est transféré au Théâtre de la Cité de Villeurbanne, tandis que Jack Lang, alors directeur du Festival de théâtre universitaire de Nancy, responsable du Théâtre National de Chaillot, appelé à devenir un centre de création interdisciplinaire où des hommes d’expressions artistiques différentes travailleront en fonction d’un projet précis. Il charge Antoine Vitez et Christian Dupavillon de la co-direction artistique et demande la transformation radicale de la grande salle. L’accès du public en est donc suspendu pour 2 ans. Jack Lang fait de Chaillot le Théâtre National des Enfants et donne une série de spectacles au château de Vincennes, sous chapiteaux, notamment Vendredi ou la Vie sauvage, d’après l’oeuvre de Michel Tournier, dans la mise en scène d’Antoine Vitez; puis il loue le Théâtre de la Gaî-

té Lyrique où l’on joue la Princesse Turandot de Gozzi, dans la mise en scène de Lucian Pintilié. En juillet 1974, Michel Guy, secrétaire d’état à la culture, ne donne pas suite à la mission dont Jack Lang avait été chargé, et nomme André-Louis Perinetti. Le 16 octobre 1975, réouverture de la grande salle avec une création musicale de Pierre Henry: Futuristic. Le premier spectacle théâtral à y être présenté est, en février 1976, Divines Paroles de Valle-Inclan, mis en scène par Victor Garcia. Ce dernier monte également, en 1979, Gilgamesh. Par décret en date du 18 mars 1981, Antoine Vitez est nommé directeur à compter du ler juillet 1981. C’est par une représentation du Faust de Goethe au Grand Théâtre que s’ouvre, le 12 novembre 1981, la première saison de son mandat □

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