Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

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se déroula l'affaire du collier, elle se la fit raconter, mais pour satisfaire sa curiosité ; et elle était à cent lieues de s’imaginer que de tels scandales auraient de l'écho dans le peuple. Elle ne se douta jamais que le luxe effréné etles immoralités dont Paris offrait le spectacle, appelaient une rénovation sociale.

Si elle reconnut que les philosophes étaient pour beaucoup dans l’éclosion de ces sentiments, elle se méprit sur le rôle qu'ils avaient joué, et elle eut été bien embarrassée si on luieut demandé comment il pouvait se faire que J.-J. Rousseau nous eut mis «à quatre pattes. » Elle dit bien que le but des Encyclopédistes était de renverser tous les trônes et toutes les religions, et elle félicite Grimm, — c’est en 1794 qu'elle le lui dit, — « de n'avoir jamais voulu être compté parmi les illuminats, illuminés, ni philosophes, car tout cela ne vise, comme l'expérience le prouve, qu'à détruire ; » mais elle eut été fort empêchée d'expliquer comment les idées de liberté — et de destruction, — (puisqu’à son avis elles allaient ensemble), avaient gagné les esprits et la nation entière.

Elle se méprit également sur le caractère de laRévolution, Un mouvement d’une telle force et d’une telle étendue, unique dans l’histoire des peuples et dans lequel l'Ancien régime s’écroulait du faite à la base pour faire place à un monde social tout nouveau, ne pouvait pas éclater sans causer de l'affolement et apporter avec lui des catastrophes sanglantes. Peut-on dire que l’Impératrice de Russie prévit le caractère violent de la Révolution, — comme son caractère profondément réno-