Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

L'« ÉGRILLARDE » EN FRANCE 189

l'abri de toute contagion. Dèsles premières journées de la Révolution, elle s’est écriée : « De pareils désordres sont impossibles en Russie. » Etses ministres, obéissant à ce mot d'ordre souverain, ont répété à l’envi que la Russie était le seul pays d'Europe qui n’eût pas à redouter les principesrévolutionnaires. Il n’est pas douteux, en effet, que, par le caractère de sa civilisation, la Russie n’était pas mûre pour les théories individualistes et égalitaires. F

Si l'on en juge cependant par les précautions infinies que la souveraine prit pourse préserver de la « propaganda » et pour réprimer chez ses sujets toute attitude de libéralisme, il est permis d'affirmer, au contraire, que Catherine éprouva des craintes sérieuses, — car il n’est dans les habitudes de personne de se prémunir contre un danger imaginaire. — Mais la Russie avait tout intérêt à faire croire qu'elle se trouvait dans une zone trop éloignée du foyer contaminé pour redouter un bouleversement social, et Catherine n’était pas femme à négliger ce côté de son métier de souveraine. Voronzof, plus indépendant dans son langage et plus sincère, ne se montre pas si rassuré. II avoue que la Russie ne sera pas préservée de l'épidémie, etil revient souvent sur l’effroi que lui causent pour son pays les doctrines révolutionnaires. « La contagion sera universelle, écrit-il le 13 décembre 1792. Notre éloignement nous garantira pour quelque temps ; nous serons les derniers, mais nous serons aussi les victimes de cette peste universelle. Nous ne la verrons pas, mais